En cette période d'ouverture de la chasse, les gâchettes fraîchement sorties des râteliers sont peut-être sensibles et Land Rover y a pensé en nous permettant l'essai d'un Discovery III interdisant toute confusion avec l'innocent chevreuil du coin. Je connaissais la prévenance de Land Rover pour les passagers et conducteurs de ses véhicules, mais là... nous avons l'odeur du cuir pleine fleur, le goût, maintenant insipide, du mazout dépollué et la couleur.
Gâtés que nous sommes, Land Rover nous a confié un Discovery III flambant (sic) neuf dans sa finition HSE, boîte auto, cuir, GPS, boutons, commutateurs, clé traditionnelle, surmoquette à l'épreuve des crottes et une image à véhiculer, celle du G4 Challenge.


Durabilité chez Land Rover : 70% de la production roule toujours…




Une nuit diurne au mois d'octobre…

Le brûleur se retrouve dans d'autres réalisations d'autres marques : il a été retravaillé ici par la main du maître pour répondre aux exigences d'une utilisation spécifique. Vous avez été enchantés par la déraison du TDV8 du Range Rover Sport, il conviendra ici de simplement se laisser charmer. Moins déluré avec deux cylindres retirés du total, l'ensemble moteur-boîte est cohérent et convient à merveille au véhicule et à l'usage qui lui sera réservé.

Une attitude responsable, courtoise et calme permettrait de passer inaperçu au milieu des enragés de la GTI, mais le look du véhicule d'essai a tout de même généré quelques troubles sur le trajet parking-bac à sable. Du coup, et quelques torticolis des curieux hagards plus tard, j'ai préféré attendre la tombée de la nuit pour entamer en toute discrétion la salissure de la bête. Les outrages nocturnes n'ont pas pu être fixés sur les capteurs CCD, malgré la puissance des longues portées du toit, qui m'ont fait croire qu'il était deux heures de l'après-midi à trois heures du matin... Un bon moyen de changer de fuseau horaire.
Du Camel Trophy au G4 Challenge…
Enfin la libération ! Sur du velours, les lacets d'un chemin non revêtu se sont enchaînés sans roulis, à un rythme raisonnable, mais soutenu. L'envie de voir défiler ainsi les kilomètres pour rejoindre des contrées plus tolérantes à la pratique du tous-terrains était grande, le confort à bord y étant certainement pour quelque chose. La suspension pilotée remplit parfaitement son rôle et arrive à contenir, malgré le centre de gravité haut perché, un roulis que j'attendais à la première enfilade. J'ai encore en mémoire les penchants prononcés des premiers Discovery utilisés en 1994 au Camel Trophy, avec leur surcharge pondérale haut perchée sur le toit, dans les virages poussiéreux des pistes d'altitudes.
Le silence à bord est apprécié, mais il ne faut pas se laisser surprendre, car le physique est toujours là pour vous rappeler que trois mille kilogrammes ont une certaine inertie qui pourrait se révéler fatale. Le freinage est bien dimensionné et permet, grâce aux diverses aides électroniques, de garder le contrôle au premier sanglier téméraire venu. Les informations remontent filtrées dans la direction et la suspension, mais restent assimilables.
Un léger coup de volant sur ma gauche me fait quitter volontairement le chemin pour me diriger vers quelque chose de plus intéressant, à savoir une belle grimpette boueuse en dévers, sans ornières pour vous guider ou vous envoyer valser. C'est le moment de faire joujou avec la gamme courte, le HDC et la molette du Terrain Response et de sélectionner le mode adéquat. Cette aide à la conduite tous-terrains regroupe sous certains modes moult paramètres ajustant entre autres la cartographie moteur, la course d'accélérateur, la suspension, la boîte de vitesse et les blocages de différentiels.
« Darjeeling certification » à la sauce britannique…
Abordée sans élan avec les pneus d'origine comme il se doit, ces derniers se remplissent au premier tour effectué dans le gras. Pourtant, je continue à monter, ressentant bien l'électronique faire son boulot, freinant une roue qui aurait tendance à patiner et permettant au véhicule de progresser. Les réglages effectués par Land Rover et rendus accessibles par une simple molette sont utiles et permettent au conducteur lambda d'aborder nombre de difficultés en toute sérénité alors que les plus aguerris seront surpris de se laisser eux aussi prendre au jeu.
Mes réflexions sur le sujet aidant, les cinquante mètres sont avalés et digérés sans problème. En pleine confiance, marche arrière engagée et HDC enclenché, la descente est tout aussi sereine et me permet de recommencer l'exercice avec un arrêt à mi-course. Redémarrage pied au plancher et miracle de l'électronique, ça repart en douceur, envoyant dans la tasse de boue un nuage de couple et une cuillère à sucre de puissance. Pas besoin d'accrocher la ficelle du treuil à l'anse boisée salvatrice pour extraire le sachet. Ah ces Anglais, incorrigibles.
L'art d'anticiper les pertes d'adhérence…
La suite s'annonce plus ludique encore, avec un passage d'une trentaine de mètres dans le lit d'un petit torrent à sec. Les derniers orages ont fait leur travail et seul un petit chaos de rochers lisses à souhait se présente à la lueur des phares. La montée est raide, c'est étroit et les ponts vont croiser... Vu le prix de l'engin et les zéros qui précèdent le kilométrage total affiché, je m'en remets un peu à l'électronique et c'est un succès avec un petit moment de solitude tout de même lors d'un croisement de ponts un tantinet marqué. Le bougre en a sous les coussins et dispose en plus des positions d'accès, normale et haute, d'un mode étendu qui vous repose les roues par terre, à condition de ne pas déjà être sur le toit. Les débattements sont impressionnants pour un véhicule à roues indépendantes, en conservant une très bonne capacité d'amortissement et une souplesse intacte malgré la position la plus haute. La concurrence des voitures du peuple ainsi que leurs dérivés devraient en prendre de la graine, car garder les roues au sol en condition d'adhérence précaire reste la meilleure des solutions que les blocages et autres aides électroniques ne pourront jamais compenser.
Ce qui m'a également surpris c'est la vitesse de réaction du système. À croire que le Terrain Response est capable d'anticiper quelle roue va perdre de l'adhérence et la freiner avant qu'elle ne patine alors que les autres produits du marché requièrent un temps de réflexion, donc d'inefficacité, beaucoup plus conséquent et parfois fatal.
Une manoeuvre dans le cul-de-sac ainsi atteint m'a demandé beaucoup d'effort pour trouver le bouton magique désactivant les capteurs d'aide au parcage, complètement affolés par l'herbe haute taquinant le pare-chocs et remplissant l'habitacle de bips franchement lassant. Quel sot ! J'ai bien mis deux minutes à le trouver alors qu'il est parfaitement visible, identifié et... fonctionnel.
Le treuil avec poulie de renvoi est un accessoire indispensable…
La descente en marche avant de ces deux petites difficultés n'a été qu'une formalité, à condition de bien garder en tête froide les trajectoires, le poids de l'engin et de ne pas oublier la règle de ne toucher à rien d'autre que le volant. Le HDC bien réglé est remarquable d'efficacité et il suffit de laisser faire.
La lumière de mes phares à flanc de montagne pouvant susciter la curiosité des pandores, l'ire des braconniers ou l'envie des chasseurs, je décide de changer de versant afin de tenter une montée de talus très raide. Attaquée à la perpendiculaire, mon quintal reposant rapidement dans le seul dossier en cuir et son soutien lombaire, je m'étonne de pouvoir saluer les étoiles par le pare-brise avec autant de facilité. La réduction de la boîte de transfert est importante, le convertisseur de couple encaissant le reste sans broncher. Et en plus, rien ne touche, malgré un porte-à-faux arrière qui me faisait un peu soucis pour l'exercice. De plus, aucun écrasement de suspension sur l'arrière n'est constaté, preuve en est les indicateurs de position des amortisseurs sur l'écran de contrôle. Ainsi planté à la quasi verticale dans ces dix mètres de bonheur abrupt, j'aurais tout de même aimé avoir un passager et lui demander à mi-course de sortir pour immortaliser l'instant... Le treuil avec poulie de renvoi aurait été utile pour l'extraire de son siège.
Nouveauté : des porte-gobelets sur cardans…
L'exercice du dévers est également très bien maîtrisé, les suspensions en aval ne s'écrasant pas. La sensation est toute différente par rapport à un véhicule traditionnel dans lequel on "sent" la limite arriver et il faut à mon sens être ici encore un peu plus attentif. Ne connaissant pas le prix d'un rétroviseur pour le LRIII et sans moyen de surveiller le bourrelet du pneu amont, je me suis sagement abstenu de rechercher des sensations désagréables.
Vu les acrobaties possibles avec un tel engin, il faudrait toutefois songer à proposer des porte-gobelets montés sur cardans afin de ne pas renverser la boisson... Quel oubli impardonnable !
Presque ivre d'un bonheur légitime, mais que je sais limité dans le temps, la nuit a été très courte et il a bien fallu se rendre à l'évidence de la jauge. La partie pouvait continuer, mais il fallait d'abord nourrir la monture et c'est avec plaisir qu'un rapide calcul m'a fait état d'un appétit somme toute raisonnable de treize à quatorze litres aux cent vu la nature du parcours, effectué en partie également en gamme courte et le caractère non rôdé du moteur. À l'époque des "Series", pour ne pas se détruire le moral, les calculs se faisaient à l'heure...
Du respect réciproque et tout passe en douceur…
La barbe de la nuit naissante, les yeux un peu gonflés, mais l'enthousiasme intact, le retour à la civilisation s'est fait à l'heure du culte et le droit chemin des fidèles croisés sur mon passage s'est vu infliger un angle de 90° au détour d'un regard lors duquel toute la tête a suivi. Un air étonné ici, intéressé par là, jamais pourtant d'attitude négative à l'encontre de la brique orange (et un peu brune) n'a été constatée. C'est rassurant de considérer qu'avec un peu de respect réciproque tout se passe en douceur.
La séance photo a également permis aux promeneurs présents et un peu incrédules parfois de se rendre compte finalement qu'un véhicule tous-terrains correctement utilisé était bien moins gênant dans la gadoue qu'au milieu d'un centre-ville et ne présentait au final pas plus de désagréments qu'une horde de VTT et de leurs bariolés, bruyants et fonceurs cochers. Pour que notre plaisir n'empiète pas sur la liberté des autres, restons humbles afin de pouvoir continuer treuiller, moufler, patauger et finalement s'éclater.
Comme pour d'autres véhicules, il m'a été bien difficile de le rendre, mais, comme toujours chez Land Rover, le coeur est à gauche et le portefeuille à droite : le challenge commence ici. Et maintenant que l'électronique et la haute technologie s'en mêlent, c'est avec raison que je laisserai le soin aux fortunés de se faire plaisir et de le faire partager autant que possible !
Type : 4X4
Prix d'achat (modèle testé) : 58 500 €
Couple maxi : 440 Nm à 1 900 tr/min
Puissance maxi : 190 cv à 4 000 tr/min
• Puissance/poids : 54 kW/t
• Puissance/litre : 70 cv/litre
Poids : 2 590 kg
L x l x h : 5 106 x 1 972 x 2 095 mm
• Surface au sol = 10,07 m2
• Volume capable = 21,095 m3
Émissions de CO2 (test) : 355 gr/km
Émissions théoriques d'échappement
• CO2 = 270 gr/km
• CO = 0,094 gr/km
• NOx = 0,317 gr/km
• HC = 0,013 gr/km
• HC + NOx = 0,330 gr/km
• Particules = 0,050 gr/km
Autonomie : 82 litres = 610 km
Consommations
• du test : 13,4 l/100
• lue à l'ordi : 12,5 l/100
• théorique constructeur : 10,2 l/100
• Test/Ordi : 7 %
• Test/Théorique : 31 %
Sources : essai-automobile